Vers une démocratie sans garde-fou ?

Pourquoi l’extrême droite veut neutraliser les juges constitutionnels – et ce que cela révèle de son projet de société.

Le dernier qui éteint la démocratie n’oublie pas de fermer la porte

Il y a encore quelques années, l’extrême droite, c’était ce truc un peu honteux, un peu collé au fond du bol de la République. On la regardait de travers, on la rangeait dans la case « à surveiller », on faisait des débats indignés sur les plateaux télé… puis on passait à autre chose. Aujourd’hui, elle a posé ses valises, squatté le salon, pris la télécommande, et explique à tout le monde ce qu’est « le bon sens ».

En France, c’est devenu presque un sport national. À chaque nouveau sujet, on commence par : « Mais on a encore le droit de dire que… » et on finit sur CNews, en expliquant que le vrai problème des hôpitaux, c’est sûrement le voile. En Belgique, ce n’est pas encore le grand bain, mais ça glisse doucement. Même le MR – qui nous avait habitués à un libéralisme à cravate bleue – s’essaie à la version « identité, sécurité, et petits drapeaux », comme s’ils jouaient à être Trump en wallon.

Mais ce n’est pas qu’une mode passagère, comme les pantalons taille basse ou les crypto-monnaies. Ce virage dur, cette obsession pour l’autorité, l’identité, et les « valeurs », c’est la stratégie politique la plus vieille du monde : faire diversion. Parce qu’au fond, le vrai problème pour beaucoup de gouvernants actuels, ce ne sont pas les immigrés, ni les trans, ni même les wokistes (qui sont encore introuvables dans la vraie vie). Le vrai problème, ce sont les gens qui commencent à ouvrir les yeux.

Les gens se rendent compte que le système est une arnaque. Que pendant qu’ils triment, d’autres se gavent. Que les salaires stagnent pendant que les profits explosent. Et que le petit jeu des élections ne change rien à leurs factures. Et ça, c’est dangereux. Pas pour la démocratie, hein – elle est déjà bien cabossée. Non, c’est dangereux pour ceux qui profitent de tout ça.

Alors on sort les bons vieux outils de maintien de l’ordre mental : peur, flicage, et lois d’exception. Et quand certains contre-pouvoirs s’en mêlent, quand une cour constitutionnelle dit « euh, attendez, c’est peut-être un peu illégal votre truc », on commence à les pointer du doigt. Trop puissants, trop lents, trop politiquement corrects. Bientôt, on proposera de les contourner, puis de les contrôler, et enfin, de les dissoudre. Doucement, méthodiquement. Sans même avoir besoin de bottes ni de bras tendus.

Parce qu’une fois que tu as mis la justice constitutionnelle au pas, il n’y a plus personne pour rappeler que les droits fondamentaux, ce n’est pas à la carte. Plus personne pour dire « non » quand la majorité décide de maltraiter une minorité. Et là, ça devient pratique. On pourra interdire, enfermer, censurer. Le tout, bien sûr, au nom de la liberté.

Ce texte est là pour te dire que la ligne rouge est déjà bien floutée, et que ceux qui rêvent de pouvoir absolu n’aiment pas les institutions qui leur mettent des bâtons dans les roues. Ils veulent une route toute droite, toute propre, et surtout sans ralentisseurs. Et si on les laisse faire, il ne restera bientôt plus qu’un long boulevard pour l’autoritarisme.

Cour constitutionnelle : pas sexy, mais indispensable

Avant d’aller plus loin, faisons une pause et réglons une chose : les mots. Parce qu’à force de les balancer dans tous les sens – État de droit, Constitution, droits de l’homme – on ne sait plus trop si on parle de concepts politiques ou de marques de céréales bio. Alors posons les bases. Et lisons-les jusqu’au bout, pendant qu’on en a encore le droit.

C’est quoi, un État de droit ?

Non, ce n’est pas une punchline de Sciences Po ni une option dans « Sim City ».

Un État de droit, c’est un pays où :

  • les lois s’appliquent à tout le monde (même au président, au ministre, ou au député qui trouve que la justice « fait de la politique »),
  • les droits fondamentaux sont garantis, même quand ça ne plaît pas à la majorité du moment,
  • et surtout : où le pouvoir est limité par des règles, pas par l’humeur de celui qui le détient.

C’est donc l’opposé exact de la dictature (où le droit est ce que le chef décide au petit-déjeuner).

Et la Constitution, c’est quoi dans l’histoire ?

La Constitution, c’est un peu comme le manuel de l’État.

C’est le texte qui dit :

  • comment s’organise le pouvoir (qui fait quoi, quand, et jusqu’où),
  • quels sont les droits intouchables des citoyen·ne·s (même quand une majorité veut les piétiner),
  • et surtout, ce que l’État n’a pas le droit de faire, même si c’est populaire dans les sondages.

C’est une sorte de serment démocratique. Et normalement, tout le reste (les lois, les règlements, les décrets absurdes à 3h du matin) doit être cohérent avec ce texte-là. Sinon, on appelle ça une violation. Ou une tendance autoritaire. Ou une habitude, selon les gouvernements.

Et donc, la Cour ou le Conseil constitutionnel, c’est qui dans cette pièce ?

C’est l’arbitre.

Pas le plus charismatique, pas le plus populaire, mais sans lui, la partie tourne au carnage.

En France, on l’appelle Conseil constitutionnel (composé de sages en costume, souvent amis d’anciens présidents). En Belgique, c’est la Cour constitutionnelle (un peu plus indépendante, un peu moins people). Mais dans les deux cas, leur mission est la même :

  • empêcher qu’une loi soit contraire à la Constitution, même si elle a été votée à la majorité,
  • protéger les droits fondamentaux contre les débordements de l’exécutif,
  • et rappeler, de temps en temps, que non, on ne peut pas tout interdire juste parce que ça gêne.

On ne les élit pas. On les critique souvent. Mais quand ils disparaissent, on s’en mord les doigts.

Et la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), elle joue quel rôle dans tout ça ?

Adoptée en 1948, après que le monde a frôlé l’extinction pour cause de fascisme international, la DUDH, c’est un texte qui dit que :

  • tout être humain a des droits fondamentaux,
  • que personne ne devrait être discriminé, torturé, ou privé arbitrairement de liberté,
  • et que la dignité humaine n’est pas une opinion, c’est un socle.

Attention : la DUDH n’est pas une Constitution. Elle n’a pas force de loi automatique. Mais elle a inspiré toutes les Constitutions modernes, et elle est devenue une référence juridique mondiale.

En Europe, c’est même allé plus loin : une bonne partie de ses principes ont été reprises dans la Convention européenne des droits de l’homme, qui, elle, est contraignante. Et que des pays comme la France ou la Belgique ne peuvent pas ignorer, sauf à vouloir se faire taper sur les doigts à Strasbourg.

Résumons

TermeCe que c’est vraiment
État de droitUn pays où personne n’est au-dessus des règles, même si ça l’arrange
ConstitutionLe texte fondateur qui pose les limites du pouvoir
Cour/Conseil constitutionnelLe dernier pare-feu quand les politiques s’emballent
DUDHLe garde-fou moral et juridique après le pire du XXe siècle

Et maintenant que tu sais tout ça, tu vas comprendre pourquoi certains partis rêvent d’éteindre les alarmes, de couper les freins, et de rouler en roue libre vers l’autoritarisme.

Dernier rempart avant le ravin

On ne crée pas une Cour constitutionnelle pour le plaisir d’ajouter des robes noires dans une République.
On ne se dit pas un matin : « Tiens, et si on inventait une institution pour dire non aux lois qu’on vote nous-mêmes ? »

Non. Si les États modernes ont inventé ce machin pas très fun mais absolument essentiel, c’est parce qu’ils ont compris – souvent après avoir pris cher – qu’il faut parfois protéger la démocratie contre elle-même.
Car oui, l’histoire a prouvé qu’un pays peut voter sa propre déchéance avec enthousiasme, drapeaux et slogans inclus. Et que la majorité n’a pas toujours raison, surtout quand elle veut écraser la minorité.

Pourquoi créer une Cour constitutionnelle ?

L’idée de base est simple : on a une Constitution, d’accord. Mais si personne ne la fait respecter, c’est juste un joli PDF rangé dans un tiroir.
Il faut donc un organe chargé de vérifier que les lois votées par les élus ne piétinent pas les droits garantis par la Constitution.
C’est ça, le rôle d’une Cour constitutionnelle : dire si une loi est conforme ou pas à ce qui est censé être intouchable.

C’est une invention relativement moderne :

  • La toute première vraie Cour constitutionnelle, c’est l’Autriche en 1920.
  • Puis l’idée s’est étendue après la Seconde Guerre mondiale, dans une Europe traumatisée par les dictatures élues démocratiquement.
  • En France, le Conseil constitutionnel est né en 1958, pas vraiment comme contre-pouvoir à l’époque, mais plus comme outil de surveillance du Parlement par l’exécutif. Il deviendra plus tard un vrai contre-pouvoir juridique, notamment à partir des années 1970.
  • En Belgique, la Cour constitutionnelle apparaît en 1980, d’abord pour encadrer le fédéralisme, puis elle s’impose peu à peu comme gardienne des droits fondamentaux.

Pourquoi les appelle-t-on des « garde-fous » ?

Parce que c’est exactement ce qu’elles sont.
Elles sont là pour empêcher les excès de pouvoir, les emballements majoritaires, les dérives idéologiques, bref : les moments où la politique veut faire du sale, mais légalement.

Un garde-fou, ce n’est pas là pour empêcher d’avancer. C’est là pour éviter la chute mortelle quand on commence à rouler trop près du bord. Et devine quoi ? L’extrême droite, elle adore les falaises.

Ces institutions sont les dernières à pouvoir dire « non », quand tout le reste dit « oui » :
– Oui à l’expulsion collective.
– Oui à l’interdiction d’un vêtement, d’une identité, d’un droit.
– Oui au fichage, à la surveillance, à la répression.

Et ça, forcément, ça agace. Parce qu’un pouvoir qui n’aime pas les garde-fous, c’est un pouvoir qui veut pouvoir aller où bon lui semble, sans qu’on l’arrête.

« Mais elles ne sont pas élues ! »

C’est l’argument favori de ceux qui veulent les contourner : « Personne n’a élu ces juges ! »
Oui. C’est fait exprès. Parce que leur rôle n’est pas de plaire, mais de protéger.
Ils ne sont pas là pour suivre les tendances, mais pour tenir la ligne de flottaison démocratique quand la mer devient boueuse.

Et ça ne veut pas dire qu’ils sont parfaits. Les Cours constitutionnelles ont leurs limites, leurs biais, leurs moments de faiblesse.
Mais dans un monde où les lois peuvent être votées à la chaîne sous pression médiatique ou populiste, c’est parfois le seul frein encore fonctionnel.

En résumé

On a inventé ces institutions parce qu’on a vu ce qui se passe quand on laisse la loi sans garde-fou :

  • Les minorités sont les premières à trinquer.
  • Les libertés deviennent optionnelles.
  • Et très vite, l’État ne protège plus, il contrôle.

Alors quand certains partis, aujourd’hui, proposent de « réformer », de « recentrer », ou de « dépoussiérer » ces institutions… méfions-nous.
Souvent, c’est juste un mot poli pour dire : « on veut les rendre inoffensives. »

Et ça, ce n’est pas un détail technique.
C’est un coup de masse dans les fondations.

Ils voulaient interdire, fliquer, contrôler… mais quelqu’un a tiré le frein à main.

Il faut rendre à César ce qui lui appartient : parfois, la démocratie fonctionne. Mal. Lentement. À reculons. Mais elle fonctionne. Et parfois, dans l’ombre, des gens en robe noire sauvent la mise pendant qu’on est occupés à débattre de la longueur d’un short scolaire sur un plateau télé.

Parce que pendant que certains politiciens rêvent à voix haute d’un État où « on pourrait enfin faire ce qu’on veut sans être bloqués par ces juges », il y a eu, heureusement, des moments où le pouvoir a été stoppé net dans ses ambitions les plus douteuses.

Voici donc quelques histoires vraies, où le Conseil constitutionnel (en France) et la Cour constitutionnelle (en Belgique) ont empêché des lois de franchir une ligne rouge. Ou, soyons plus précis : ont empêché des élus, bien démocratiquement élus, de piétiner quelques libertés au passage.

France, 2021 : tu ne filmeras point la police

Souviens-toi. C’était l’époque glorieuse de la « Loi Sécurité globale ». Une loi vendue comme « nécessaire pour protéger nos forces de l’ordre », mais qui, dans le détail, interdisait… de les filmer en train d’agir. Oui, même quand « agir » signifie frapper un manifestant ou gazer une mamie.
Le projet était clair : réduire au silence les témoins gênants. Journalistes, citoyens, passants avec téléphone : tous potentiellement délinquants.

Heureusement, le Conseil constitutionnel est passé par là. Il a dit non. Pas par goût du conflit, mais parce que la liberté d’informer, ce n’est pas un bonus, c’est un droit.
Résultat : l’article 24 a été censuré.
Moralité : sans cette censure, on aurait légalement pu masquer la violence d’État en la rendant invisible.

Belgique, 2018 : « Big Brother fiscal » recalé

De l’autre côté de la frontière, en Belgique, on innovait aussi. Un petit plan discret – le « Plan Canal » – prévoyait d’ouvrir grand les données fiscales et personnelles des citoyens, sans passer par un juge.
Objectif annoncé : mieux lutter contre la radicalisation.
Traduction : fliquer tout le monde, surtout ceux dont le nom sonne « sensible ».

La Cour constitutionnelle a réagi. Et elle a annulé. Trop vague, trop large, trop intrusif.
Elle a rappelé que non, la lutte contre le terrorisme ne justifie pas de fouiller dans ta vie privée comme dans une boîte à gants.

France, 2010 : la garde à vue sans avocat, c’est terminé

Jusqu’à cette année-là, tu pouvais être arrêté, gardé à vue, interrogé, sans jamais voir un avocat. Pratique pour « aller plus vite », disaient certains.
Moins pratique pour ceux qui finissaient par avouer n’importe quoi sous pression.

Le Conseil constitutionnel a mis fin à cette anomalie. Il a déclaré que ça violait les droits de la défense, pilier de tout procès équitable.
Résultat : réforme complète du système.
Grâce à ça, aujourd’hui, tu peux avoir quelqu’un à tes côtés dès le départ. Et si tu trouves ça banal, c’est probablement que tu n’as jamais eu affaire à la police.

Belgique, 2017 : non au fichage ethnique déguisé

Une réforme discrète prévoyait que l’État puisse collecter certaines données personnelles… qui, en réalité, permettaient très bien de catégoriser les gens selon leur origine.
On ne disait pas « origine ethnique », non, c’était plus subtil. Mais tout le monde avait compris.

La Cour constitutionnelle n’a pas laissé passer. Elle a dit : pas de ça chez nous.
Parce qu’un État qui commence à trier les gens selon leurs origines, c’est un État qui oublie des leçons douloureuses de l’histoire.

Ce qu’il faut comprendre

Tous ces exemples ont un point commun :
des élus ont proposé des lois. Des majorités les ont votées. Et ce sont des juridictions constitutionnelles qui ont dû rappeler les limites.

Et dans chacun de ces cas, la justification était la même :

  • la sécurité,
  • l’efficacité,
  • la simplification.

Mais derrière ces beaux mots, il y avait :

  • la surveillance,
  • la restriction,
  • l’arbitraire.

On ne dit pas que le Conseil ou la Cour gagnent à chaque fois. Elles se plantent aussi. Elles valident parfois des lois limites. Elles sont influencées. Mais sans elles, beaucoup de ces lois seraient en place aujourd’hui. Et tu ne serais peut-être pas en train de lire ce texte sans risquer d’être fiché.

C’est là que ça devient sérieux

Parce que si demain, un gouvernement décide de neutraliser ces Cours, de les contourner, ou de nommer des pantins à la place des juges, ces protections tomberont.
Fini les censures. Fini les rappels à la loi. Fini les “non, ça vous n’avez pas le droit”.

Et là, on pourra tout faire. Légalement. Avec une majorité. Sans opposition.

C’est ça, le vrai projet de ceux qui trouvent que « les juges bloquent trop ».

Et si tu crois que c’est exagéré, va jeter un œil à la Pologne. À la Hongrie. Ou au rêve mouillé de certains ici, qui commencent déjà à parler de “rééquilibrer les institutions” quand la Cour leur rappelle que le racisme, ce n’est pas un programme politique valide.

Pourquoi ils veulent virer l’arbitre (et marquer tous les buts)

On dit souvent que l’extrême droite veut prendre le pouvoir. C’est faux. Elle veut le garder. Sans limite. Sans obstacle. Et surtout sans juge pour lui dire “non” quand ça va trop loin.
C’est là que les Cours constitutionnelles deviennent gênantes. Pas parce qu’elles sont militantes, ou radicales, ou “gauchistes” comme ils aiment le dire. Non. Parce qu’elles rappellent, tout simplement, qu’il existe des règles. Et que non, on ne fait pas ce qu’on veut sous prétexte qu’on a gagné une élection.

Qui veut la peau des Cours constitutionnelles ?

Tu ne seras pas surpris d’apprendre que ce sont les mêmes qui trouvent que les droits des minorités vont « trop loin », que la justice « s’acharne », que la liberté d’expression doit s’arrêter aux propos qui les dérangent, et que « le vrai problème en France/Belgique, c’est pas l’inflation, c’est le burkini. »

Du côté de l’extrême droite, c’est clair et assumé : le Conseil constitutionnel est un frein. Une entrave. Un obstacle au « redressement national ». Marine Le Pen, Éric Zemmour, ou leurs équivalents flamands et wallons le disent à peine entre les lignes : le droit, c’est bien, mais à condition qu’il obéisse à la majorité du moment.

Mais la droite dite « modérée » n’est pas en reste. En Belgique, on a vu le MR reprendre des éléments de langage inquiétants : « la Cour constitutionnelle est trop politique », « elle empêche des réformes nécessaires », « il faut revoir son pouvoir de blocage ».
Traduction : elle nous dérange quand on veut faire passer des trucs qui ne passeraient pas dans un État de droit normal.

Les arguments : “trop de pouvoir”, “pas élus”, “pas neutres”

Tu les as sûrement déjà entendus :

  • “Les juges constitutionnels ont trop de pouvoir”
    Ce serait crédible… si ce pouvoir consistait à gouverner, imposer des lois, ou nommer des ministres. Ce n’est pas le cas. Leur seul job, c’est de dire : “cette loi respecte-t-elle la Constitution ou non ?”
    Autrement dit : ils ne décident pas, ils vérifient. Un peu comme un garagiste qui t’explique que tu ne peux pas rouler à 160 km/h avec trois freins cassés. Ce n’est pas du pouvoir, c’est du bon sens juridique.
  • “Ils ne sont pas élus !”
    C’est vrai. Et tant mieux. Parce qu’un contre-pouvoir élu serait… un pouvoir. L’idée d’une Cour constitutionnelle, c’est justement d’être au-dessus des passions électorales. De ne pas avoir à flatter l’opinion, ou à faire campagne en promettant de supprimer les droits des uns pour calmer la colère des autres.
  • “Ils sont politisés !”
    Ah, l’argument magique. Quand une décision ne plaît pas à l’extrême droite, c’est que les juges sont “politisés”. Mais quand ces mêmes juges valident des lois sécuritaires ou antisociales, là, silence radio.
    Le Conseil constitutionnel en France, rappelons-le, est composé en partie… de proches d’anciens présidents. Si c’est ça qu’on appelle gauchisé, on a changé de dictionnaire.
    Et en Belgique, la Cour constitutionnelle est composée à parité de juristes et d’anciens parlementaires, nommés par le roi sur proposition du Parlement. Elle reflète l’équilibre des forces… pas une avant-garde révolutionnaire.

En réalité, ce qu’ils veulent, c’est le pouvoir sans garde-fou

Derrière les grands discours sur l’efficacité, l’urgence, ou la souveraineté populaire, il y a une constante : la volonté d’agir sans obstacle juridique.

  • Vous voulez interdire un vêtement religieux dans l’espace public ? Trop de liberté religieuse.
  • Vous voulez refuser la nationalité à des enfants selon leur origine ? Trop d’égalité devant la loi.
  • Vous voulez ficher les gens selon leur prénom ? Trop de droit à la vie privée.
  • Vous voulez criminaliser des discours, des luttes, des identités ? Trop de liberté d’expression.

Et à chaque fois, la même frustration : “Mais pourquoi on n’a pas les mains libres ?”
Parce qu’il y a des règles. Et qu’un État démocratique, ce n’est pas une boîte à outils pour fabriquer l’ordre que vous imaginez. C’est une structure où le pouvoir s’exerce dans des limites. Et ces limites, ce sont les juges constitutionnels qui les rappellent.

Le vrai danger : faire passer ça pour du bon sens

Le pire dans l’histoire ? C’est que ce discours avance doucement, calmement, avec des mots polis. On ne dit plus : “abolissons les droits”. On dit :

  • “il faut rééquilibrer les pouvoirs”,
  • “les juges ne doivent pas faire obstacle à la volonté du peuple”,
  • “la démocratie, c’est le vote, pas les tribunaux.”

Ça a l’air raisonnable. Jusqu’à ce que tu comprennes ce que ça signifie :
un pouvoir qui ne veut plus être contrôlé, c’est un pouvoir qui se prépare à abuser.

Et quand la droite (ou ce qu’il en reste) reprend ce discours sans ciller, sous prétexte d’efficacité ou de fermeté, elle prépare la route à ceux qui, demain, voudront l’utiliser pour écraser plus fort encore.

Conclusion 

Ce qui est en train de se passer, ce ne sont pas « de simples débats institutionnels ». Ce ne sont pas « des ajustements techniques » sur la séparation des pouvoirs.
Ce sont des signaux rouges, clignotants, bruyants, que l’on choisit encore trop souvent d’ignorer.

Quand un parti politique commence à dire que les juges constitutionnels sont trop puissants, qu’il faut réécrire les règles pour “libérer l’action politique”, ou qu’il est temps de “faire respecter la volonté du peuple” au mépris du droit, il ne parle pas de réforme.
Il parle de neutraliser les freins.
Et dans l’histoire, chaque fois qu’on a retiré les freins pour “aller plus vite”, on s’est pris le mur — avec des minorités en première ligne.

Alors oui, il faut reconnaître les signes :

  • Le rejet de la justice.
  • La haine des journalistes.
  • L’obsession pour l’ordre.
  • La stigmatisation des plus fragiles.
  • Et cette manie de vouloir “réformer” tout ce qui empêche le pouvoir d’être absolu.

Faut-il appeler ça du fascisme ? Peut-être pas encore. Mais ça en a l’odeur, le goût, et surtout l’ambition : gouverner sans contrôle.

Ce que cet article dit, simplement, c’est : ne laissez plus passer.
Ne confiez plus le pouvoir à ceux qui rêvent de ne plus avoir à le partager.
Ne votez pas pour des gens qui veulent casser le thermomètre au lieu de soigner la fièvre.
Et surtout, comprenez une chose : la démocratie ne meurt pas d’un coup. Elle s’effondre quand on a trop dit “ce n’est pas si grave”.

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